USA: le premier procès du Roundup démarre à San Francisco

GLOBE ÉCHOS | 09/07/18 10:13

Le Roundup est-il cancérigène? Monsanto a-t-il volontairement caché la dangerosité de son désherbant au glyphosate? Telles sont les questions qu'un tribunal américain va devoir examiner à partir de lundi, saisi par un particulier atteint d'un cancer en phase terminale.

Si des centaines voire des milliers de procédures sont en cours aux Etats-Unis contre le géant de l'agrochimie, la plainte de Dewayne Johnson, un Américain de 46 ans qui a vaporisé du Roundup pendant plus de deux ans, est la première concernant ce produit et ses possibles effets cancérigènes à aboutir à un procès.

Le procès s'est officiellement ouvert mi-juin avec la désignation d'un juge mais les débats de fond sont prévus pour ne commencer que lundi, après une série d'audiences techniques. Il est prévu pour durer au moins trois semaines à San Francisco (ouest).

Vendu depuis plus de 40 ans, le Roundup, l'un des herbicides les plus utilisés au monde, contient du glyphosate, une substance très controversée et qui fait l'objet d'études scientifiques contradictoires quant à son caractère cancérigène.

Monsanto, qui risque des millions de dollars de dommages et intérêts dans ce seul dossier, a toujours fermement réfuté tout lien entre cancer et glyphosate.

Dewayne Johnson "se bat pour sa vie" après avoir été diagnostiqué il y a deux ans d'un lymphome non hodgkinien, incurable, explique l'un de ses avocats David Dickens, du cabinet Miller, spécialisé dans la défense de particuliers s'estimant victimes de produits défectueux.

"Ce n'est pas la faute à pas de chance", ce n'est pas dû à un problème "génétique", "c'est à cause de son exposition continue au Roundup et au Ranger Pro" (produit similaire de Monsanto), qu'il a vaporisés entre 2012 et 2014 sur des terrains scolaires de la ville de Benicia, en Californie (ouest), assure Me Dickens.

"Et cela aurait pu être évité", assène encore l'avocat, accusant Monsanto, qui vient d'être racheté par l'allemand Bayer, d'avoir sciemment caché au public la dangerosité de ses produits.

Décisions contradictoires 

Les avocats de M. Johnson n'ont pas encore fixé les sommes qu'ils comptent demander mais évoquent un "jugement à plusieurs millions de dollars".

Mais la partie ne sera pas aisée pour Dewayne Johnson, dont les avocats devront prouver un lien entre sa maladie, qui lui cause de nombreuses lésions cutanées sur le corps, et l'épandage de glyphosate.

La question est "est-ce que l'exposition de M. Johnson au glyphosate a provoqué son cancer? (...) Cela n'a pas causé son cancer", affirme Sandra Edwards, du cabinet Farrella, Braun and Martel, l'une des avocates de Monsanto.

Pendant ce procès, "vous verrez beaucoup de données et de science", relève-t-elle aussi, soulignant qu'il y a eu "des études qui ont suivi pendant des années et des années des gens qui ont utilisé ces produits", sans conclure qu'ils provoquaient des cancers.

"Légalement, il est extrêmement difficile de rendre une entreprise responsable de cas spécifiques de cancer ou autres maladies liées aux pesticides", reconnaît Linda Wells de l'ONG anti-pesticides "Pesticide Action Network North America".

Mais "si M. Johnson gagne ce procès, ce sera un énorme coup porté à l'industrie des pesticides toute entière", ajoute Mme Wells.

Le dossier est d'autant plus complexe qu'il existe nombre d'études et de décisions contradictoires sur le glyphosate.

Contrairement à l'agence fédérale américaine de protection de l'environnement (EPA), la Californie a placé le glyphosate sur la liste des produits cancérigènes. Et dans cet Etat, tout fabricant ayant connaissance du caractère cancérigène certain ou suspecté d'un produit doit obligatoirement le faire figurer sur l'emballage.

Le glyphosate est aussi classé "cancérigène probable" depuis 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer, un organe de l'OMS, contrairement aux agences européennes, l'Efsa (sécurité des aliments) et l'Echa (produits chimiques).

Le glyphosate fait particulièrement polémique en Europe. Après la décision de l'Union européenne en novembre de renouveler la licence de l'herbicide pour cinq ans, le gouvernement français s'est engagé à cesser d'utiliser cette substance pour les principaux usages d'ici trois ans.

Globe Échos avec AFP

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