Le gouvernement populiste italien joue son avenir

GLOBE ÉCHOS | 20/08/19 16:12

Le premier gouvernement populiste italien joue son avenir: la rupture entre la Ligue de Matteo Salvini et le Mouvement 5 Etoiles (M5S) devrait être officialisée mardi par le Premier ministre Giuseppe Conte, qui est attendu devant le Sénat.

Après seulement 14 mois de cohabitation, le divorce du couple Ligue-M5S semble consommé, avec des déclarations acerbes mardi matin du chef de la Ligue (extrême droite) contre tous ceux qui oeuvrent à une nouvelle coalition entre le M5S et le Parti démocrate (PD, centre-gauche), "uniquement pour ne pas perdre leurs sièges".

"Mais un gouvernement PD-M5S représenterait qui exactement? Quel sens aurait un gouvernement avec tout le monde dedans +contre Salvini+?", a lancé le ministre de l'Intérieur sur Radio 24.

Ces derniers jours, M. Salvini a tenté une réconciliation avec le M5S - "Mon téléphone est toujours allumé" - en tablant sur les divisions entre l'aile gauche du M5S et celle plus droitière de Luigi di Maio, son ex-allié.

Mais le fondateur du M5S, l'humoriste Beppe Grillo, a fermé la porte à une telle hypothèse ce week-end, estimant que M. Salvini était "un traître pas crédible", depuis qu'il a fait exploser l'alliance avec le M5S le 8 août, au motif que les Cinq Etoiles diraient "toujours non" à ses projets économiques.

En brisant, dans la torpeur du mois d'août, l'attelage instable avec le M5S, M. Salvini misait sur l'affaiblissement de cette formation tombée à 15-16% des intentions de vote, et sur des sondages créditant la Ligue de 36 à 38%, un rapport de forces totalement inversé par rapport aux législatives de 2018.

L'inconnue réside aujourd'hui dans l'attitude de Giuseppe Conte, devenu l'homme clef de la crise.

A 15H00 (13H00 GMT), il doit s'exprimer au Sénat, puis M. Salvini, en tant que sénateur, doit prendre la parole pour "justifier", à la demande de Conte, son choix de torpiller la coalition.

Avant la séance, des manifestants ont déployé une banderole "Conte, l'Italie t'aime" près du parlement pour soutenir le Premier ministre, passé en 10 jours du statut de "Monsieur Nobody à Mister Conte", selon l'ancien journaliste politique Aldo Garzia.

Signe de la tension ambiante, des sénateurs de la Ligue ont été insultés à leur arrivée aux cris de "partez bouffons, dehors la mafia", tandis que des partisans de Salvini scandaient "Matteo Matteo", derrière une banderole disant "Salvini, ne lâche rien".

Après sa déclaration, M. Conte aura diverses options: attendre le vote éventuel d'une motion de censure, ou monter directement au palais présidentiel du Quirinal pour présenter sa démission.

Selon certains analystes, M. Conte pourrait aussi ne pas démissionner et constituer un exécutif remanié sans la Ligue. Luigi di Maio a envoyé une lettre ouverte mardi à M. Conte, qui plaide pour cette hypothèse.

- Un gouvernement pro-européen ? -

Un "gouvernement de transition", Conte bis, pourrait faire adopter dès jeudi une forte réduction du nombre de parlementaires, ramené à environ 600 sièges contre près de 950 actuellement, et avancer dans l'élaboration du budget 2020.

Cela donnerait le temps au PD et au M5S de s'entendre sur un pacte pour "un gouvernement fort et de renouvellement dans son programme", selon les termes du chef du PD Nicola Zingaretti, pour lequel, dans le cas contraire, "il vaudra mieux retourner aux urnes".

 

Un autre point d'interrogationsera la réaction des marchés, car l'Italie pèse lourd en tant que troisième économie de la zone euro, avec une dette publique très élevée, à 132% du PIB, qui la place juste derrière la Grèce.

Si, comme c'est probable, M. Conte annoncera sa démission mardi, ce sera au président Sergio Mattarella d'entrer en scène. Il mènera des consultations durant plusieurs jours pour explorer la possibilité d'une nouvelle majorité.

L'idée d'une alliance PD-M5S est venue, par surprise, de l'ancien chef de gouvernement Matteo Renzi, toujours poids lourd du PD, qui a proposé à ses anciens ennemis du M5S une réconciliation et un gouvernement "institutionnel" pour adopter le dégraissage parlementaire, cher au M5S, et le budget.

Une autre piste a été suggérée par l'ex-Premier ministre et ancien président de la Commission européenne Romano Prodi, qui propose un gouvernement pro-européen baptisé "Ursula", du nom de la nouvelle présidente de la Commission européenne, l'Allemande Ursula von der Leyen.

M. Prodi imagine une alliance gauche-droite pour que l'Italie revienne au premier plan en Europe.

Deux échéances importantes approchent: l'Italie doit donner un nom lundi pour le poste de commissaire européen qui lui revient, et son chef du gouvernement participera le week-end prochain au sommet du G7 à Biarritz.

GLOBE ÉCHOS

derniers tweets